Le sommeil partagé ou cododo

Comme avec l’allaitement, là encore, en France, on a l’impression que le « cododo » ou sommeil partagé est une lubie soixante-huitarde en retour de mode. Or, dans la plupart des pays du globe, on ne pose pas la question de savoir où dort bébé et un peu partout dans le monde, les enfants dorment avec leurs parents. Les parents pratiquent le sommeil partagé de façon naturelle et pour cause, l’homme a dormi accompagné depuis la nuit des temps. Rien de nouveau donc !

Outre l’intérêt du sommeil partagé sur le développement affectif de l’enfant, la pratique du cododo est une bonne option afin de favoriser l’évolution naturelle du sommeil. En effet, et contrairement à ce que d’aucun pourrait penser, le sommeil partagé aide bébé à organiser son sommeil.

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Le cododo, qu’est ce que c’est ?

D’ailleurs, pour rappel, « cododo » ne signifie pas forcément que l’enfant dort dans votre lit, c’est pourquoi on lui préfère souvent l’expression « sommeil partagé » qui couvre un panel plus large : le cododo mais aussi les cas où l’enfant dort dans la même chambre que vous, les cas où il vous rejoint en cours de nuit, etc.

On parle de sommeil partagé lorsque la mère et l’enfant dorment dans une proximité suffisante pour permettre à chacun de percevoir les signaux et messages sensoriels de l’autre.

Le sommeil partagé oui mais pas n’importe comment !

Comme l’écrit le Pr McKenna :

Le cododo n’est pas seulement normal, commun et instinctif, il s’avère dans l’intérêt de toute la famille s’il est pratiqué dans une optique de protection et de réconfort du bébé, si la sécurité de l’enfant est prioritaire et si la bonne forme de sommeil partagé est choisie par chaque famille.

Le Dr Carlos Gonzales enfonce le clou dans son ouvrage Serre-moi fort en énonçant :

On fait croire aux parents que dormir avec leur enfant (le cododo) est mauvais pour l’enfant. Ils vont l’écraser, le rendre insomniaque à vie ou lui causer un traumatisme psychologique aussi grave que mystérieux. Qu’y a-t-il d’avéré dans tout cela ?

Il ajoute à ce titre qu’il n’existe aujourd’hui aucune étude randomisée contrôlée qui permettrait de conclure cela !

Plutôt que de parler de risques du cododo puisqu’il n’y a aucun risque à dormir ensemble, il convient donc plutôt de parler des conditions sécuritaires de sommeil partagé comme on pourrait parler de conditions sécuritaires liées aux berceaux (pas de tour de lit, matelas ferme, pas de couette, etc) ou encore siège-auto. Et à ce titre, il n’y a pas plus de risques avec le sommeil partagé qu’il n’y en aurait avec un berceau. Dans les deux cas, des conditions d’utilisation et de sécurité doivent être respectées afin d’en garantir une utilisation conforme. Lorsque décès il y a, ils sont dus aux conditions du cododo ou aux conditions dans lesquelles l’enfant a été placé dans un berceau et non au cododo ou au berceau lui-même.

Ainsi, on ne partage pas le lit :

  • si l’un des parents fume ou si la mère a fumé pendant sa grossesse (tabagisme des adultes représente un grand facteur de risque de mort subite pour les nourrissons, mais aussi d’infections respiratoires, d’aggravations de l’asthme, d’otites chroniques et de régurgitations)
  • en cas d’obésité de l’un des parents (risque d’écrasement)
  • dans une chambre où la température est trop élevée (risque syndrome de mort subite du nourrisson)
  • si l’un des parents a consommé des médicaments, de la drogue ou de l’alcool ou toute substance qui altère l’état de conscience ou qui cause de la somnolence.

On ne pratique pas le sommeil partagé sur un lit d’eau, un fauteuil, un sofa, un divan, un pouf.

On ne dort pas entouré de coussins, d’oreillers et on n’utilise pas de couette épaisse et lourde.

De manière générale, on sécurise l’espace pour éviter que l’enfant ne se retrouve coincé entre le lit et le mur ou entre le lit et un meuble/objet, qu’il ne puisse tomber du lit, que les éléments de la literie ne lui couvrent le visage.

L’astuce : on fait comme pour la chambre d’inspiration Montessori ! On se met à la place de l’enfant quelques instants pour déterminer les dangers potentiels et les éliminer !

Sur le sujet des risques associés au cododo, le Pr McKenna écrit de manière très juste :

Nous apprenons comment bien positionner le siège d’auto et comment y asseoir notre bébé plutôt que de bannir les bébés des voitures parce que certains d’entre eux meurent à cause de la méconnaissance de certains parents quant aux normes de sécurité en vigueur.

Le rôle du sommeil partagé dans la réduction du risque de mort subite du nourrisson

L’état de la recherche est aujourd’hui très clair sur le facteur de risque le plus important pour le syndrome de mort subite du nourrisson qui est celui de coucher le bébé sur le ventre, suivi du tabagisme maternel avant ou après la naissance.

36% des cas de mort subite du nourrisson pourraient être attribués au fait que bébé dormait dans une pièce séparée et 97% des décès ont lieu hors du lit familial.

Alors non, le sommeil partagé lorsqu’il est fait dans des conditions normales n’accroît pas le risque de mort subite, au contraire, à ce titre le Pr McKenna rappelle que les données de l’étude sur la mort inattendue de nourrissons, la plus vaste étude du genre, révèlent que chez les enfants qui partagent la chambre avec leurs parents, le risque de mort subite est approximativement la moitié de celui des bébés qui dorment seuls. Autrement dit, coucher son bébé dans une pièce séparée double les risques de mort subite du nourrisson.

D’accord, mais jusqu’à quand ?

Il n’y a pas de date butoir au-delà de laquelle le sommeil partagé ne serait plus recommandé ou deviendrait inadapté. Chaque enfant suit sont propre rythme et chaque enfant a ses besoins propres non comparables à ceux du voisin. Alors, si vous nous demandez notre avis, le sommeil partagé est recommandé tant que tout le monde y trouve son compte !

***

Énumérons les bienfaits du sommeil partagé sur le sommeil de tous les protagonistes de la maisonnée : 

Du côté de bébé

  • Le cododo permet de réguler la température corporelle de bébé : bébé naît sans savoir réguler sa température corporelle et dormir au contact de ses parents lui permet de maintenir une température stable (même intérêt pour le portage).
  • Le cododo permet de réduire les troubles du sommeil : le sommeil partagé calme l’anxiété des enfants. Or, l’anxiété est la cause majeure des « troubles » du sommeil chez l’enfant. Comme le souligne le Dr Sears, les enfants qui dorment seuls grandissent souvent avec l’idée que le sommeil est un moment épouvantable, une période de séparation. Dormir aux côtés ou à proximité de ses parents, permet à l’enfant de s’endormir de façon sereine et apaisée. Et là encore, la durée est propre à chacun. Certains enfants se sentiront rapidement sécurisés, là où d’autres auront besoin de beaucoup plus de temps.
  • Le cododo permet un sommeil paisible : cela ne signifie pas que l’enfant se réveillera moins. En revanche, il est connu que le contact maternel agit comme un somnifère pour les nouveau-nés. La durée du sommeil est accrue chez les enfants qui expérimentent le contact corporel. Et on le constate assez rapidement chez les enfants au fort besoin de contact : ils dorment 15/20 min posés et parfois plus de 1h30 en portage, au contact du porteur.
  • Le cododo aide l’enfant à passer plus facilement d’une phase de sommeil à la suivante. Le Prof McKenna a démontré scientifiquement à cet égard que le cododo entraînait une synchronisation de la respiration de la mère et de l’enfant lorsque ceux-ci dorment ensemble de sorte que la durée et la qualité du sommeil s’en ressentent : l’enfant passe plus aisément d’une phase de sommeil à une autre s’il peut régler sa respiration sur celle de sa mère, il passe moins de temps dans les phases de sommeil profond et se réveille ainsi plus facilement pour combattre une épisode d’apnée du sommeil, la respiration de sa mère l’entraîne et lui permet de retrouver la sienne.
  • Le cododo permet un coucher plus facile. Si l’enfant ne souhaite pas aller se coucher, ce n’est souvent pas qu’il n’a pas envie de dormir, c’est que généralement aller se coucher signifie ne plus être avec ses parents. Ainsi, c’est ce qu’il doit laisser pour aller se coucher qui alimente sa résistance.

Du côté des parents

  • Le cododo permet à la mère d’allaiter allongée et de continuer à dormir en allaitant ou de se rendormir sans effort après avoir allaité. Tous les soins du bébé, y compris le nourrir, seront facilités s’il est près de maman. La nuit, le temps de réponse de la mère sera plus court s’il est près d’elle. Cela aidera aussi la mère à se rendormir plus facilement.
  • Le cododo permet de rendormir bébé sans que le sommeil de la mère n’en souffre sérieusement puisqu’elle pourra agir vite étant à proximité immédiate. Les adultes ajustent généralement leurs rythmes de sommeil quand ils partagent une chambre. Il en sera de même avec bébé. S’il est tout près, les mères habituées à leurs petits bruits, intuitivement émergeront d’un sommeil léger quand ils auront besoin d’eux. Cela est beaucoup moins perturbant que d’être arraché d’un sommeil profond par un réveil.
  • Le cododo permet au père de mieux dormir également. La réactivité accrue de la mère face aux besoins de son enfant permet d’augmenter la qualité de sommeil du père également. Logique et injuste 🙂 !

***

Et abordons désormais les questions les plus courantes relatives au cododo :

> Mais mon enfant ne va-t-il pas s’habituer et vouloir systématiquement dormir avec ses parents ?

Comme l’écrit justement le Pr. McKenna :

Cet avertissement omniprésent [attention le cododo va créer une habitude chez l’enfant, ndlr] est fondé sur des valeurs et des perceptions subjectives et non pas sur la science.

La période la plus critique pour l’enfant se situe entre 7 mois et 3 ans, c’est la période où l’enfant acquiert énormément de nouvelles choses : il commence à manger solide, il acquiert la mobilité, le début de la parole, s’y mêlent les poussées dentaires et l’angoisse de la séparation puis arrive la parole, la continence, les tempêtes émotionnelles, la rentrée en maternelle… C’est donc une période où le cododo peut vous sauver la vie. Mais l’enfant n’a besoin que d’une chose : se sentir protégé pendant cette étape. Et quand il aura obtenu cette « protection », qu’il aura compris que la nuit n’est pas un moment menaçant et que ses parents n’ont pas disparus, quand il aura pris confiance en lui, il n’exigera plus la présence de ses parents à ses côtés. Anna Freud dit justement « L’angoisse disparaît quand les relations d’objet de l’enfant deviennent plus sûres et quand le moi acquiert une stabilité suffisante. »

A ceci le Dr Sears ajoute que « L’indépendance en soi n’est pas l’un des objectifs les plus importants de notre rôle de parent. Ce n’est pas la responsabilité des parents de rendre l’enfant indépendant. Ils doivent plutôt créer un environnement sécurisant et favoriser l’éclosion d’un sentiment de bien-être, ce qui permettra à l’enfant de développer naturellement son indépendance».

Il serait faux de conclure qu’à 3 ans, tous les enfants ont acquis cette réassurance. Mais ce qui précède est vrai et rien n’est éternel. Parfois, l’enfant qui dormait seul aura besoin de retourner ou d’aller chez ses parents car les étapes du moment créent ce besoin accru de réassurance et de réconfort chez lui. Parfois, on aura aussi l’impression que ça ne cessera jamais ! Pourtant, rassurez-vous, rapidement votre enfant sera en mesure de vous quitter !

> Nous, on ne peut pas dormir avec lui parce qu’il tourne comme une horloge dans le lit et nous met des coups de pieds !

Effectivement, le sommeil partagé peut ne pas convenir à toutes les familles. Et il n’y a absolument aucune obligation de faire du cododo pour remplir des cases parentales. Mais une chose importante à savoir avec le cododo est que l’on apprend à dormir ensemble. Cela explique qu’un cododo tardif soit difficile à mettre en place et que les co-dormeurs ne parviennent pas à trouver un sommeil harmonieux. Le Dr Sears explique cela très bien dans son ouvrage Etre parent la nuit aussi.

Chez nous, A. bouge très peu la nuit. Elle a l’habitude de dormir avec nous et on gigote tous très peu durant la nuit. Ça n’empêche pas un coup de pieds par-ci par-là mais le risque est aussi élevé que de recevoir un coup de pieds du mari !

> Je ne dors pas avec mon enfant car on m’a dit que cela nuirait à ma vie de couple…

Le cododo qui empêcherait la sexualité des parents est l’un des arguments phares des sites « grand public » pour décourager les parents qui hésiteraient encore alors qu’ils sont souvent dans une situation où le cododo, même temporaire, pourrait leur être bénéfique.

Je n’ai même pas de réponse à y apporter tellement je trouve cela absurde. Alors je vais dire des banalités : il n’y a pas que le lit pour faire des galipettes, soyez inventifs. Mais la réalité est ailleurs : le vrai ennemi du couple c’est la fatigue des jeunes parents.

Ce qui peut nuire à la vie de couple, c’est la vision de l’arrivée d’un enfant : le perturbateur de la zone de confort à deux. Et cela, indépendamment du fait que l’enfant dorme ou non dans votre lit.

Alors arrêtons de faire peser sur un éventuel cododo, un soucis relationnel qui existerait même sans le sommeil partagé.

Conclusion

Ainsi, nombreux sont les protagonistes qui estiment que le cododo permet d’améliorer le sommeil de toute la maisonnée : celui des parents qui se trouvent à proximité des enfants et peuvent répondre rapidement à leurs besoins et celui des enfants qui, dormant à proximité de leurs parents, font le plein de leur capital confiance et calment leurs angoisses afin d’évoluer sereinement vers une indépendance future.

Le problème du sommeil partagé aujourd’hui vient des livres de puériculture proposés au grand public qui n’intègrent absolument rien de l’héritage comportemental qui vient des primates et ne font pas état des plus récentes découvertes des recherches menées en neurobiologie et en psychologie sur la biologie du développement de l’enfant ainsi que sur l’influence du toucher maternel dans la croissance et le bien-être de l’enfant.

Un sommeil partagé dans de bonnes conditions (ie conditions sécuritaires) et aussi longtemps que vous le souhaitez n’est pas mauvais et ne créera aucune mauvaise habitude chez qui que ce soit !

Toutefois, je pondère car tout est dans la nuance : non, le cododo n’est pas une conditions obligatoire pour cocher toutes les cases du « maternage proximal », de « l’éducation bienveillante » ou autre étiquette parentale absurde. Le cododo est un moyen, un outil à la disposition de ceux dont les enfants en manifestent le besoin et qui sont ok avec ça. 

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Sources :

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