On entend souvent parler des « bénéfices » et « bienfaits » de l’allaitement. Je ne suis pas vraiment parfaitement à l’aise avec l’usage de ces termes lorsqu’ils se rapportent à l’enfant (même s’il m’arrive certainement de les utiliser parfois) parce que je considère que l’allaitement étant un acte naturel (bien que non spontané, puisqu’il nécessite un apprentissage des deux côtés – téteur et tété), ses vertus ne devraient pas être qualifiées de bienfaits, ni de bénéfices. Si c’est aujourd’hui le cas, ça l’est principalement dans un effort de différenciation et de comparaison avec les préparations commerciales pour nourrissons et on parle alors des bienfaits de l’allaitement par rapport au laits en poudre.
En revanche, lorsqu’il est question de la mère, je pense qu’il est très juste de parler des « bénéfices » qu’elle, son organisme et son corps peuvent tirer de l’allaitement.
Pour le métabolisme de la mère, la grossesse ne se termine pas avec l’accouchement mais avec le sevrage.
Voyons donc de plus près quels sont ces bénéfices que la maman tire de l’allaitement de son enfant ?
1. L’allaitement favorise la contraction de l’utérus
Le premier bienfait de l’allaitement suite à l’accouchement est bien celui-ci. On sait maintenant de façon certaine que la tétée précoce, c’est-à-dire la mise au sein dès les premières heures de la naissance, et les contractions utérines qu’elle provoque, diminuent énormément les risques d’hémorragie et aident l’utérus à reprendre plus vite sa taille, sa forme et sa tonicité. Ceci est encore plus important pour une femme qui a subi une césarienne.
2. L’allaitement réduit le risque de dépression post-partum (baby-blues) et favorise l’attachement parental
Il faut ici être prudent dans les conclusions. Et si l’on résume les différentes études menées sur le sujet, il n’apparaît pas que l’allaitement, stricto sensu, empêche le baby-blues. Ce qu’on peut tirer, en revanche, comme conclusion est que, globalement, lorsque la mère a des taux hormonaux normaux (favorisés par l’allaitement) et qu’elle bénéficie d’un soutien adapté de la part de son entourage, l’allaitement facilite la confiance en soi, l’ajustement au rôle de mère, et permet un niveau moindre d’anxiété. De plus, l’allaitement, via la sécrétion d’ocytocine, a la capacité de réduire la réaction de stress par une diminution des sécrétions de cortisol. Ce sont ces facteurs qui permettent de conclure que l’allaitement diminue le risque de dépression.
Beaucoup d’études tirent des conclusions biaisées sur l’allaitement et la dépression en ce qu’elles ne prennent pas en compte le facteur « soutien » que l’entourage doit apporter à la mère allaitante. En effet, on sait que la dépression peut rendre l’allaitement plus difficile. On se retrouve donc dans un cercle vicieux où les mères dépressives cessent d’allaiter parfois prématurément et voient ensuite leurs symptômes de dépression augmenter. Cela est d’autant plus vrai que les difficultés d’allaitement elles-mêmes peuvent causer de l’anxiété chez une mère. Il est donc très important de bien épauler les mères vivant une dépression post-partum en les aidant à surmonter leurs problèmes d’allaitement plutôt qu’en leur proposant d’arrêter l’allaitement et de sevrer leur bébé prématurément.
Concernant l’attachement parental, le lien émotionnel entre l’enfant et son parent, il est décrit comme un ensemble d’interactions émotionnelles et comportementales qui se développe au fil du temps, particulièrement dans les situations où l’enfant exprime un besoin d’attention, de réconfort, de soutien ou de sécurité. L’allaitement (au même titre que le portage ou le cododo) favorise l’établissement de ce lien et ainsi l’attachement parental. Attention, cela ne signifie pas qu’un enfant qui n’est pas allaité, porté ou qui ne dort pas avec ses parents n’établira pas ce lien, les études montrent simplement que l’attachement parental est plus facilement atteint par ces biais.
De nombreux auteurs et le Dr Sears en tête de ligne, insistent sur le fait que l’allaitement (mais pas que !) favorise un développement plus rapide de l’instinct maternel.
Dans sa théorie de l’art parental favorisant l’attachement, il explique que l’allaitement (au même titre que tous comportements destinés à répondre aux besoins de son enfant) conduit à un changement chimique au niveau de l’organisme de la mère. En effet, les mères qui pratiquent l’art parental favorisant l’attachement produisent davantage de prolactine, qu’il qualifie d’ « hormone maternelle » et bénéficie généralement d’un instinct maternel qui se met en place plus rapidement.
3. L’allaitement retarde le retour des règles et permet de naturellement espacer les grossesses
L’allaitement entraîne une aménorrhée plus ou moins longue qui bien sûr favorise l’espacement des naissances, mais réduit aussi le risque d’anémie.
Focus sur la méthode « MAMA »
La MAMA (Méthode d’Allaitement Maternel et d’Aménorrhée) permet de retarder l’introduction d’autres moyens contraceptifs. Pour appliquer la MAMA, la mère doit remplir ces 3 conditions :
1) Allaitement exclusif
2) Enfant de moins de 6 mois
3) Pas de retour de couches
Si ces 3 conditions sont remplies, il n’existe alors que 1 à 2 % de possibilité de grossesse.
Si une seule des conditions n’est pas remplie et si l’on ne souhaite pas de nouvelle grossesse, il faut commencer à utiliser un contraceptif.Il faut garder à l’esprit qu’un retour des règles n’est pas obligatoire pour retomber enceinte !
Chez les Nova, au moment où j’écris ces lignes, Bébé Nova a 19 mois et je n’ai toujours pas de retour de couches mais cela ne signifie pas que je ne pourrais pas tomber enceinte !
Concernant l’anémie, l’allaitement réduit le risque d’anémie. En effet, mis à part les saignements du post-partum immédiat, l’allaitement maternel diminue la durée des saignements du premier mois et, de par l’aménorrhée de lactation, évite la perte de sang et donc la perte de fer chez la maman. De même, le fait que la mère qui allaite se nourrisse en plus grande quantité, consommant de ce fait plus de fer, et que le lait maternel, lui, contienne peu de ce métal, crée un surplus qui contribuera également à combler le déficit maternel.
4. L’allaitement facilite la perte de poids post-grossesse
Les études démontrent que la perte de poids n’est pas forcément facilitée avant 3 mois d’allaitement. En effet, bien que l’allaitement augmente les besoins en énergie d’une mère d’environ 500 calories par jour, l’équilibre hormonal du corps est très différent de la normale pendant cette période. Ainsi, en raison de ces changements hormonaux, les femmes qui allaitent ont une augmentation de l’appétit et peuvent être plus enclines à stocker de la graisse pour la production de lait.
Cependant, au bout de 3 mois de lactation, les études montrent qu’elles connaissent alors une augmentation de leur combustion des graisses. Et, à partir de 3-6 mois après l’accouchement, les mères qui allaitent ont été démontrées capables de perdre plus de poids que les mères qui n’allaitent pas.
Chez nous, c’est exactement ce qui s’est passé, j’ai fondu comme une glace au soleil à partir de 4 mois d’allaitement. Et je mangeais franchement beaucoup et ne prenait pas un gramme ! A 19 mois d’allaitement, c’est différent, je dois un peu plus surveiller ma ligne mais je n’ai pas eu de prise de poids significative à noter.
La période d’allaitement est idéale pour perdre un peu de poids. Vous avez pendant votre grossesse stocké un certain nombre de kilos de graisse qui ont servi au cours des trois derniers mois à fournir de l’énergie – à vous et à votre bébé – et à préparer une réserve pour l’allaitement. Ces deux à quatre kilos de graisse qui vous font horreur au retour de clinique vont être « mobilisés » en deux à trois mois pour fournir chaque jour entre 200 et 300 calories (la moitié de ce qui est nécessaire pour fabriquer le lait de votre enfant), Dr Sachet, médecin nutritionniste à l’hôpital Bichat, responsable de la consultation de nutrition de la femme enceinte,Guide de l’alimentation de la femme enceinte, Stock-Laurence Pernoud, 1990.
5. L’allaitement réduit le risque de maladies chez la mère
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Cancer du sein
Les études sont formelles, allaiter réduit le risque de cancer du sein chez la mère. Toutefois, entendons-nous, ce n’est pas une garantie à 100 %. On peut avoir allaité et être quand même atteinte comme on peut se découvrir un cancer, quel qu’il soit, alors qu’on est en train d’allaiter.
Concernant l’effet protecteur de l’allaitement sur le cancer du sein, plusieurs études et méta-analyses démontrent :
- Une diminution de 33% du risque de cancer du sein chez les femmes ayant allaité 25 mois et plus au total, après ajustement de l’âge, de la parité et de l’âge de la 1ère grossesse à terme.
- Une diminution du risque de cancer de 4.3% par année d’allaitement : une étude de 2002 a analysé les données de 47 études épidémiologiques réalisées dans 30 pays sur près de 150 000 femmes, et est arrivée à la conclusion que le risque relatif d’être victime d’une tumeur maligne du sein décroît de 4,3 % pour chaque 12 mois d’allaitement. Ainsi, l’étude conclu que le nombre de cancers du sein dans les pays développés pourrait être réduit de plus de la moitié (de 6,3 à 2,7 % chez les femmes de 70 ans) si les femmes avaient le même nombre d’enfants et allaitaient aussi longtemps que les femmes des pays sous-développés.
Globalement, les études portant sur le cancer du sein faisaient état d’un risque 1,28 fois plus élevé de cancer du sein chez les femmes qui n’avaient pas allaité, l’impact bénéfique de l’allaitement étant plus important chez les mères qui avaient allaité plus de 12 mois par rapport à celles qui n’avaient pas allaité, et dans les études de bonne qualité méthodologique.
En ce sens, les travaux d’investigation menés par les groupes de travail du PNNS et de l’ANSES ont conclu que “L’allaitement diminue de manière convaincante le risque du cancer du sein chez la mère.”
Les raisons de ce risque atténué tiennent à plusieurs explications : (i) d’une part, l’exposition aux hormones sexuelles (oestrogènes et androgènes ) étant un facteur de risque de cancer, l’aménorrhée durant l’allaitement, en permettant la diminution de ces hormones, réduit le risque de cancer du sein, (ii) d’autre part, il est également dû à l’élimination de cellules potentiellement porteuses de lésions de l’ADN. En effet, il y a une exfoliation du tissu mammaire au cours de la lactation de sorte que l’involution de la glande mammaire en fin d’allaitement entraîne une mort cellulaire massive.
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Cancer des ovaires
Selon les dernières études, le risque de cancer ovarien était 1,42 fois plus élevé chez les femmes qui n’avaient pas allaité, l’impact de l’allaitement étant plus important chez les femmes qui avaient allaité pendant plus de 6 mois, et encore plus important chez celles qui avaient allaité pendant plus de 12 mois.
Ce risque réduit s’explique par le fait que lorsqu’une femme allaite, des changements importants se produisent dans les différents niveaux d’hormones de son corps et ce sont ces changements qui aident à la protéger contre le cancer ovarien.
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Ostéoporose
Des études ont constaté une diminution du taux circulant d’ocytocine chez des femmes ostéoporotiques et ménopausées par comparaison avec des femmes non ostéoporotiques du même âge ainsi qu’un ralentissement de la perte osseuse et une diminution de la masse graisseuse dans la moelle osseuse après injection quotidienne d’ocytocine pendant 8 semaines. Ainsi, la densité osseuse augmenterait avec chaque enfant allaité, et ces femmes auraient moins de fractures que la moyenne.
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Santé cardiovasculaire
Une étude portant sur près de 140 000 femmes ménopausées (âge médian : 63 ans) a démontré que celles qui ont allaité leurs enfants risquent moins de souffrir de crises cardiaques, d’attaques cérébrales et de maladies cardiovasculaires. Et plus longtemps elles ont allaité, plus le risque diminue.
La raison en est que les mères allaitantes auraient accumulé moins de graisse, notamment abdominale (facteur de risque bien connu du syndrome métabolique), suite à leurs grossesses, et aussi peut-être l’effet d’hormones stimulées par la lactation.
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Et d’autres encore
Les dernières études ont également prouvé que les femmes qui allaitent pendant 1 à 2 ans de leur vie ont un risque de 10 à 50% plus faible de souffrir d’hypertension artérielle, d’arthrite, de cholestérol, et de diabète de type 2.
6. L’allaitement aide la mère à se reposer
On entend souvent dire que l’allaitement fatigue. Cette déclaration est fausse. Ce n’est pas l’allaitement qui fatigue. Le problème, encore une fois, c’est notre société. Cette société qui, contrairement à beaucoup d’autres, pousse les jeunes mères à reprendre une « vie normale » le plus vite possible après avoir accouché. Et la durée ridicule du congé paternité en France ne permet certainement pas de faire changer les choses. Ainsi, au lieu de se reposer, la jeune mère s’épuise davantage, elle vient d’accoucher, elle doit gérer la maisonnée et en plus de ça, le manque de sommeil dû aux réveils nocturnes de son nouveau-né.
Cette fatigue atteint un pic les premières semaines et coïncide avec la période de mise en place de l’allaitement qui peut, mais ne doit pas nécessairement, être un peu plus prenante, voire difficile, que l’allaitement une fois qu’il est établi.
Alors que, au contraire, l’allaitement, et les mère allaitantes le confirmeront TOUTES, est source de détente et de relaxation.
La faute à qui ? L’ocytocine et la prolactine !
En effet, l’ocytocine, une des 2 principales hormones impliquées dans la lactation (produite également pendant l’orgasme, lors d’un massage corporel, d’un bon repas entre amis, etc.) provoque un état de « relâchement physiologique » caractérisée par le ralentissement du rythme cardiaque et de la respiration, la baisse de la tension artérielle, et même une action antalgique.
La hausse du taux de prolactine, quant à elle, serait responsable de l’augmentation du temps de sommeil profond constatée chez les femmes allaitantes. Et ainsi, contrairement aux idées reçues les femmes qui allaitent dorment donc mieux (pas forcément plus longtemps) que celles qui n’allaitent pas !
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Conclusion
Alors les détracteurs de l’allaitement diront, « la majorité de ces informations reposent sur des études et des cas d’espèces, certaines ne sont pas solidement fondées ». Et à ceux-là, je demanderais : il ne vous viendrait pas à l’idée de boire pendant votre grossesse ou de proposer de l’alcool à une femme enceinte ? Et la réponse serait sans-doute négative. Pourtant, savez-vous que les recommandations d’interdiction d’alcool pendant la grossesse (on parle bien ici de consommation occasionnelle et non régulière) reposent sur des études dont les conclusions sont aujourd’hui « dans le doute abstiens-toi » ?
Et bien en appliquant cette même logique de façon positive, dans le pire des cas l’allaitement n’aura été bon que pour l’enfant (ce qui est en soi déjà une très bonne raison d’allaiter) et la mère n’en tirera rien de particulier sur un plan santé long terme, mais dans le meilleur des cas, si toutes ces études et informations s’avèrent justes, vous aurez tiré bénéfice d’un véritable élixir de santé ! A la vôtre !
Et puis comme le dit justement Claude Didierjean-Jouveau : « Il est fort possible qu’on découvre dans les années qui viennent d’autres bienfaits de l’allaitement pour la mère. La littérature sur le sujet a beaucoup augmenté récemment, tout simplement parce que des chercheurs s’y sont intéressés : on ne trouve que si on cherche ! »
Sources :
- http://www.who.int/nutrition/topics/exclusive_breastfeeding/fr/
- https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/2000814
- https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/2916446
- https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/3389329
- https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/20519049
- https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/19064514
- https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/16277817
- https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/2092340
- https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/10997622
- https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/19031350
- https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/25284261
- https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/8338042/
- https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/2341224/
- https://www.lllfrance.org/vous-informer/votre-allaitement/benefices-de-l-allaitement/892-avantages-de-lallaitement
- https://www.lllfrance.org/1106-lallaitement-et-la-sante-des-femmes
- https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/allaitement.pdf
- https://www.lllfrance.org/1276-da-30-depression-post-partum
- http://bbletche.com/allaitement/index.php/2017/05/09/modalites-du-sevrage-et-risque-de-depression-post-partum/
- http://www.sciencepresse.qc.ca/blogue/2013/05/05/limpact-grossesse-lallaitement-depression
- https://www.lllfrance.org/1146-60-allaitement-et-fertilite
- https://www.lllfrance.org/1962-allaitement-et-cancer
- https://www.coordination-allaitement.org/index.php/s-informer/publications-cofam/autres-publications-cofam/62-article-allaitement-et-cancer-du-sein
- http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/22371471
- https://www.lllfrance.org/1082-claude-didierjean-jouveau-lallaitement-ca-fatigue
Merci pour cet article passionnant et super sourcé, c’est rare de trouver cela !!
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Merci pour ce commentaire qui me motive à continuer ♥️
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