Sommeil et allaitement

Traiter du sommeil des enfants et particulièrement des nouveau-nés conduit inévitablement à considérer le rapport sommeil-allaitement.

Nous l’avons vu dans l’article dédié aux bases sur le sommeil des enfants (voir ici), le nouveau-né a un besoin fréquent de réveils nocturnes pour diverses raisons parmi lesquelles figurent la faim et l’entretien de la lactation de sa mère. En effet, rappelons que les nouveau-nés ont des estomacs extrêmement petits et leur digestion est extrêmement rapide. Ainsi, l’allaitement peut souvent être considéré, à tord, comme un frein au sommeil paisible chez l’enfant (et par extension, au sommeil paisible de l’adulte).

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Qui n’a jamais pensé que donner un biberon de lait en poudre à bébé permettrait de le faire dormir toute la nuit ?

Et pourtant, l’allaitement est une arme redoutable et encore trop méconnue pour lutter contre les problèmes de synchronisation du sommeil enfant/adulte.

Le Dr Sears écrit à ce propos «  La tétée demeure encore le somnifère le plus ancien, le plus efficace, le plus sécuritaire et certainement celui qui est présenté dans l’emballage le plus attrayant. ».

Pourquoi ?

  • Du côté de bébé

Pendant les premiers mois de vie de bébé, le sommeil est étroitement lié à la satiété. Bébé ne fait d’ailleurs pas grand chose à part manger et dormir, se réveiller pour manger et se rendormir car il est repu. Ainsi, il est important de vérifier que l’allaitement est correctement mis en place chez les bébés que l’on considère comme « petits dormeurs ». Si l’enfant dort peu cela ne signifie pas forcément qu’il ne tète pas bien. Ainsi, vérifier que l’allaitement est bien mis en place permet simplement d’évacuer cette possibilité.

On retient tout de même l’info du siècle : un enfant ne se laisse pas mourir de faim. Autrement dit, un enfant allaité à la demande mange généralement à sa faim.

Les mamans allaitantes le savent bien, bébé ne tète pas que pour manger et il est ainsi tentant, lorsque bébé grandit, de ne plus le faire téter à la demande la nuit sous prétexte qu’il ne devrait plus avoir faim la nuit. A cet égard, E. Pantley précise dans son ouvrage (dont vous pouvez lire un résumé de lecture ici) que les spécialistes s’accordent pour dire que les bébés ont besoin de 1 à 2 allaitements par nuit jusqu’à l’âge de 9 mois. Ceci est validé par le Dr Sears qui affirme même qu’un enfant de 18 mois peut avoir besoin d’être nourri avant de s’endormir pour apaiser sa faim (alors même que celui-ci a dîné !).

A coté de l’aspect nourricier, le lait maternel contient plusieurs composantes, dont du L-tryptophane et de la mélatonine, qui favorisent le sommeil de bébé. On le sait le lait maternel varie en fonction des mois, des jours, des heures et même au cours de la tétée (voir ici). Mais saviez-vous qu’il varie également en fonction d’un rythme circadien ? Ainsi, tous ces éléments présents dans le lait maternel sont plus concentrés la nuit afin d’apprendre à bébé à dormir plus la nuit que le jour.

Le fait de téter également prédispose au sommeil. A cet égard, il a été démontré que les enfants qui tétaient le plus vigoureusement, et qui donc se fatiguaient davantage, étaient aussi les meilleurs dormeurs.

On vous dit que votre enfant ne devrait pas s’endormir au sein, téter trop, qu’il vous prend pour une tétine ?

Mais ces mêmes personnes vous préconiseront de remplacer votre sein par sa grossière imitation, la tétine…

On ne peut pas et on ne devrait pas lutter contre le besoin de succion des enfants. 

De la même façon, il faut accepter de laisser libre court au potentiel biologique de chaque enfant, le rythme d’acquisition du sommeil étant différent pour chacun.

A ce titre, les plus gros ennemis des parents allaitants sont les lobbies industriels qui persuadent leur public qu’un enfant nourri au lait en poudre dort mieux qu’un enfant allaité. Pourtant, c’est faux. Mais il n’y a personne pour vous dire que c’est faux à part quelques articles soixante-huitards sur le site de la Leche League que peu se donnent la peine de lire.

Dans un de ces articles (que j’aime beaucoup), on peut d’ailleurs lire la provenance de ce mythe bien établi. On apprend ainsi que :

« ce mythe a ses racines dans une époque où l’on décourageait activement les femmes d’allaiter, de se fier à leurs observations et de répondre aux besoins de leurs bébés. Les politiques et les pratiques consistant à séparer les mères et les bébés étaient institutionnalisées. Les hôpitaux imposaient des horaires de tétées rigides pour que le personnel ait moins souvent à nourrir les bébés ou à les amener à leurs mères. Ces tétées peu fréquentes privaient beaucoup de bébés d’un apport calorique suffisant, et beaucoup de mères de l’effet relaxant de l’ocytocine. Si le bébé n’était pas autorisé à vider assez longtemps ni assez souvent les seins de sa mère, ceux-ci pouvaient devenir douloureusement engorgés. Tellement pleins de lait et tendus que les lèvres du bébé glissaient dessus. Frustré, il pouvait alors refermer ses mâchoires dessus, causant une douleur sévère à la mère. Au point qu’elle l’enlève du sein alors qu’il avait encore faim. Ses seins gorgés de lait envoyaient à son corps le message de ralentir la production. Si elle finissait par donner un biberon de lait artificiel au bébé, celui-ci pouvait finir par s’endormir, simplement parce qu’il avait enfin reçu sa ration de calories. Elle pouvait alors croire que le lait artificiel l’avait fait mieux dormir. Pourtant, il aurait pu dormir tout aussi bien s’il avait reçu ces calories par son lait à elle. En fait, ils n’avaient jamais eu la possibilité de se « synchroniser ». », Susan E. Burger, MHS, PhD, consultante en lactation IBCLC.

  • Du côté de maman

Principalement, l’allaitement est bien commode lorsqu’il faut nourrir bébé la nuit. Si en plus, on pratique le cododo, ou autre forme de sommeil partagé, il peut arriver de ne même pas se réveiller lors des tétées nocturnes (ça j’avoue que je ne l’ai jamais vécu!). Mais même en se réveillant, le fait de ne pas avoir à effectuer autre geste que de ramener bébé vers soi et dégrafer le soutien-gorge, si soutien-gorge il y a, est déjà un gain de sommeil précieux et un pas certain vers le rendormissement rapide.

Ensuite, du côté de la mère, l’allaitement permet une augmentation du taux de prolactine et du taux d’ocytocine. La hausse du taux de prolactine est ainsi responsable de l’augmentation du temps de sommeil profond constatée chez les femmes allaitantes. Et ainsi, contrairement aux idées reçues les femmes qui allaitent dorment donc mieux (pas forcément plus longtemps) que celles qui n’allaitent pas !

Les résultats d’une récente étude ont mesuré objectivement les durées de sommeil des parents de bébés âgés de 3 mois grâce à des moniteurs fixés au poignet. Il en résulte que les parents des bébés allaités la nuit dormaient 40 à 45 minutes de plus que les parents de bébés nourris au lait en poudre. Et les parents de bébés allaités mais qui donnaient un biberon de lait en poudre le soir (si, si vous savez celui qui est censé faire dormir votre enfant selon Tata Ginette !), dormaient moins bien que ceux dont les bébés étaient exclusivement allaités.

Comme le dit justement le Dr Jové « la nature qui nous donne des enfants enclins à se réveiller fréquemment pendant la nuit n’a pas oublié de prévoir un mécanisme favorisant chez la mère un endormissement rapide. ».

  • Conclusion

Aucune étude n’a, à ce jour, démontré que l’allaitement portait atteinte au sommeil de bébé ou de sa mère. Au contraire, comme nous l’avons vu, l’allaitement a des vertus bénéfiques en termes de sommeil, il est source de relaxation et de détente tant pour bébé que pour sa maman.

Alors pourquoi ce mythe si bien établi ?

Mon avis, et il n’engage que moi, est que l’apparence des réveils nocturnes plus fréquents découlant de l’allaitement vient du fait qu’une mère qui allaite est naturellement plus encline à répondre aux besoins nocturnes de son bébé. Attention, ce qui précède ne signifie pas qu’une maman non-allaitante n’est pas à l’écoute des besoins de son bébé. Ce que je souhaite mettre en avant est qu’une maman allaitante, qui souvent dort avec son bébé qui plus est, et cette proximité induite par l’allaitement et/ou le sommeil partagé, rend la mère allaitante certainement plus réactive aux réveils et stimulations de son bébé de sorte que l’on finit par conclure de façon simpliste que l’allaitement empêche bébé de « faire ses nuits ».

L’autre raison si je dois en trouver une, est qu’il s’agit d’une bonne explication pour trouver une raison aux réveils de bébé. En effet, il semblerait que notre société cherche à tous prix à trouver des raisons aux réveils nocturnes sans vouloir accepter qu’il s’agit simplement d’un besoin physiologique et naturel des enfants qui évoluera avec leur maturité croissante.

Sources :

  • Hors série LLL, Les nuits du bébé allaité et de ses parents
  • Dormir sans larmes, Dr Rosa Jové
  • Le Cododo, pourquoi, comment, Claude-Suzanne Didierjean-Jouveau
  • Dormir avec son bébé : un guide sur le sommeil partagé, James McKenna
  • Etre parents la nuit aussi, Dr William Sears
  • Un sommeil paisible et sans pleurs, Elizabeth Pantley
  • https://www.lllfrance.org/1659-aa-93-les-nuits-du-bebe-allaite

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