La réalité de mon post-partum (2021)

Cet article je l’ai rédigé suite à mon second post-partum. Un post-partum pour lequel je m’étais tant préparée et pour lequel j’avais suivi chaque livre sur le sujet à la lettre avec l’espoir devenu certitude que je vivrai un post-partum serein et épanoui. Sans surprise, il n’en a pas été ainsi.

C’est une période souvent négligée principalement pour deux raisons : d’une part, car notre société la nie en exigeant de la mère à ce qu’elle soit sur pieds le plus rapidement possible, et d’autre part, car ses enjeux sont bien trop méconnus des jeunes mamans et de leur entourage.

Cette période, je ne connaissais même pas réellement son existence lors de ma première grossesse. Je me sentais bien physiquement mais je me suis retrouvée avec des suites de couche compliquées moralement, un manque d’accompagnement et d’écoute. Notre démarrage d’allaitement foireux y était pour beaucoup mais également une charge mentale non libérée et ce dictat du « je dois vite être en forme et que tout redevienne comme avant! », ou encore « ça ne doit pas être difficile, c’est tellement beau d’avoir un enfant, de quoi je me plains », « je n’y arrive pas, je suis nulle… » et autres joyeusetés !

Forte de cette première expérience foireuse, mes lectures, mon cheminement et l’algorithme d’Instagram m’ont ainsi propulsé vers une découverte du « vrai » post-partum, avec en ligne de mire la volonté de privilégier mon bien-être et ma symbiose avec ma toute petite. L’idée était que tout le reste, absolument tout le reste, attendrait. Sauf, bien évidemment, les besoins de mon aînée qui restaient mon autre priorité. Mais je ne voulais plus entendre parler de ménage, cuisine, rangement, ou obligation sociale quelconque. Lorsque j’ai écrit ces lignes pour la première fois, nous étions en 2020, en plein confinement à cause du coronavirus et je ne mesurais pas la solitude qu’allait m’apporter cette période en post-partum.

Et tout cela, je l’ai appliqué. Probablement que mon post-partum aurait été encore plus difficile si ce qui précède n’avait pas été appliqué.

Mais tout ne s’est pas passé comme je l’avais si bien prévu.

  • La période post-covid 

Tout d’abord, ma grossesse et mon post-partum ont respectivement eu lieu pendant et après la période covid. Et nous avons grandement sous-estimé son impact tant sur nos enfants que sur nous-même. Sans même parler du caractère anxiogène de la situation,  cette période nous a mis en situation d’accueillir ce deuxième enfant en ayant les réserves personnelles à sec… A quoi bon toute cette préparation si finalement nous n’avions pas les ressources ? Nous n’avions pas pris de vacances depuis plus d’un an, nous sortions d’une année difficile avec achat et gros travaux dans notre maison, une fausse couche, travailler pendant 6 mois en mode covid/full télétravail avec gros dossiers et une 3 ans h24 dans les pattes, aucun temps à deux de qualité (les restrictions covid étaient encore largement en vigueur). Bref, des ressources proches de zéro…

  • Un deuxième bébé aux besoins très intenses 

On a beaucoup réfléchi ce second enfant avec mon conjoint car nous étions finalement comblés avec notre aînée. Avions-nous envie d’un deuxième enfant par pression sociale ? Une fratrie était-elle le schéma obligatoire ? Mais nous ne nous sommes jamais vraiment posé la question en termes de ressources. Nous étions, je pense, persuadé de les avoir ces ressources. Or, il n’en était rien. Certes, la mise en place de l’allaitement s’est faite facilement et sans encombres contrairement à la première fois mais nous avons cette fois-ci hérité d’un bébé qui pleurait beaucoup et que l’on ne pouvait poser. Cette fois-ci un peu mieux armés, nous avons réussi à rapidement identifier la cause (freins restrictifs causant un reflux interne et des tensions) et à organiser une prise en charge (ostéo & chiro) mais les effets de celle-ci n’ont ni été immédiats, ni miraculeux. A cette époque, comme je l’écrivais précédemment, nous avons également sous-estimé les effets de la période covid sur les grossesses et les bébés nés à cette période. Tout cela combiné donnait un nourrisson difficile et des difficultés qui ont duré longtemps. Quand les pleurs ont cessé, les difficultés liées à l’endormissement ont, elles, perduré. La toute petite enfance de notre numerobis nous aura vraiment laissé des marques.

  • La culpabilité vis-à-vis de l’aîné 

Une inconnue de l’équation que je n’avais pas suffisamment anticipée a également été la présence de l’aînée et un accouchement la veille des vacances scolaires…! Pour un début de mois d’or sous le signe du repos et de la position allongée, on repassera ! Il était hors de question de l’envoyer chez les grands-parents, elle y avait déjà passé les 4 jours où nous étions à la maternité. Elle avait besoin de nous retrouver et nous aussi. Une petite fille de 4 ans, en vacances, qui vient d’avoir une petite sœur et qui est au summum de l’excitation et à fleur de peau en termes d’émotions, ce ne fut pas de tout repos ! Heureusement, mon mari était là H24 pendant deux semaines, mon aînée très attentionnée envers sa petite sœur et très compréhensive quant aux soins que nécessitait le bébé. Je réussissais grâce au portage à combler ses besoins de moi tout en gardant la petite près de moi. Papa a été primordial pour tout le reste et comme d’habitude, il a été plus qu’à la hauteur. Plus qu’un simple bras droit, ma moitié complémentaire. Mais cela n’a duré que les 2-3 premières semaines, les semaines où le nouveau-né est « au repos ». Elle passait le plus clair de son temps à dormir et qui plus est dans son couffin !

Mais cela n’a pas duré.

Après ces 2 semaines presque surréalistes, la situation s’est complexifiée : ma grande a repris le chemin de l’école et il a donc fallu reprendre et suivre le rythme. Parallèlement, mon nourrisson s’est réveillé et nous avons dû faire face à une petite fille très tendue et impossible à poser. Je devais donc la porter à longueur de temps ou subir des crises de pleurs inconsolables. Jongler entre les besoins du nouveau-né et les habitudes et rituels de l’aînée. Chance pour moi, ma grande qui a toujours été « mama only » pour les couchers et les levers a accepté assez facilement que ce soit papa qui reprenne le flambeau. Mais moi…je vivais dans le manque de ma fille et une culpabilité immense s’est emparée de moi. Elle me manquait tout le temps, à longueur de jour et de nuit. Je culpabilisais de ne pas avoir de temps à lui consacrer, de ne plus être là pour elle au quotidien et dans ces moments ritualisés. Je culpabilisais de ne pas partager ses repas, de ne pas pouvoir m’assoir et jouer avec elle. Je culpabilisais de tout le temps lui dire de parler moins fort et de devoir la quitter parce que sa sœur pleurait à peine le jeu entamé.

Mais elle, elle m’a bluffée. Elle ne l’a pas vécu plus mal que ça. Il faut dire qu’elle a un papa hors pair qui a assuré la transition comme un chef.

Cette culpabilité ne m’a pas quitté avant que numerobis n’atteigne un certain degré d’autonomie et d’éveil et que je puisse recommencer à passer un peu de temps de qualité avec mon aînée. Mais si je suis honnête avec moi-même, je n’ai pu vraiment me reconsacrer à mon aînée, sans faire passer les besoins de numerobis avant les siens que vers les 2/3 ans de ma deuxième.

Cette culpabilité ne m’a pas investie lorsque je suis tombée enceinte de notre troisième fille. L’existence de leur sororie m’apaisait avant même sa naissance. Je savais qu’elles seraient là l’une pour l’autre dans les moments où je ne serais pas disponible, même si c’était pour se chamailler, au moins elles ne seraient pas laissées seules. Et ça s’est vérifié. Une fois la petite soeur née, leur complicité s’est décuplée et pas une fois je n’ai culpabilisé de ne pas être disponible. Je leur ai expliqué qu’elles avaient chacune eu leur maman rien que pour elles les premiers temps parce que c’est ce dont un bébé a exclusivement besoin et ça a été compris et accepté sans difficulté (l’écart d’âge aidant grandement à cela j’en suis convaincue – 4 ans et 8 ans).

  • Un village quasi désert 

Quand on lit des livres sur le post-partum ou même sur la maternité, c’est un terme qui revient sans cesse. Oui, il faut tout un village pour élever un enfant. Mais combien ont réellement la chance de disposer d’un tel village ? Et pour celles qui en disposeraient peut être d’habitude, combien n’ont pas pu à cause du covid ? Pour certaines personnes, on s’attend naturellement à ce qu’elles fassent partie de notre village et puis en réalité, une fois bébé arrivé, il n’y a personne. Et c’est la claque. On est seule, ou presque, avec notre nouveau-né.

C’est génial d’avoir un super village autour de soi. J’ai moi-même participé à un blessing way où nous avons toutes apporté des plats à surgeler pour la future maman et où nous avons été la pour elle en cas de besoin. Mais cela reste tout de même assez rare encore aujourd’hui même si des initiatives en ce sens voient le jour !

De mon côté, mon village s’est résumé à ma mère, ma belle-mère et une ou deux amies mais qui avaient elles-mêmes des enfants en bas âge et qui ont surtout été une présence morale. J’ai eu la chance que ma maman nous prépare un bon paquet de plats à congeler. Mais surtout, grâce au covid, j’ai eu mon mari en télétravail à la maison pour préparer le déjeuner tous les jours et me tenir bébé pendant que je mangeais, c’était déjà ça de pris. Je me souviens lors de mon premier congé mat, je mangeais n’importe quoi, n’importe quand…c’était très aléatoire et souvent, j’attendais qu’il rentre le soir pour manger un « vrai repas » ou prendre une douche.

  • Un mois d’or inexistant 

J’en ai lu des bouquins pour me le préparer ce mois d’or, ce 4e trimestre. Mais c’était sans compter sur tout ce qui précède. Alors je ris jaune quand je repense aux préconisations de rester allongée, au chaud, de boire des tisanes etc. J’aurais vraiment aimée et peut être que pour un premier c’est jouable ! Sous réserve que bébé n’ait pas de RGO, ne doivent pas être porté à la verticale non stop ou autre inconfort. Mais clairement à partir du second et tant qu’il y a au moins un autre enfant en bas âge dans les parages, c’est selon moi totalement illusoire…et mieux vaut le savoir ! Ces ouvrages m’ont tout de même permis de mettre en place tout le reste : ménage, lâcher prise sur le rangement, etc.

  • Ma seule réussite 

Ma seule prévision réussie a finalement été de ne pas m’assoir sur la bienveillance et l’indulgence à mon égard. Je me suis autorisée à me plaindre de ma condition, à pleurer et à me sentir dépassée certains jours tout en étant émerveillée par mon nouveau-né et par la magie de cet amour naissant. On n’est pas obligée d’être en dépression post-partum pour trouver cela difficile ou pour avoir le droit de se plaindre. Comme on n’est pas obligé d’être forcément heureuse et épanouie d’avoir mis au monde un enfant. In fine, le post-partum c’est ça : trouver un nouvel équilibre, se ré-apprivoiser et s’apprivoiser, apprendre à se connaître et à se reconnaître tant bébé que soi-même et comme pour tout, c’est chacune à son rythme.

5 commentaires sur “La réalité de mon post-partum (2021)

  1. Très bel article ! Je t’envoie plein de force. Merci de partager ton expérience et ressenti, on culpabilise moins de savoir comment se passe ailleurs ^^

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  2. Je suis quasiment dans la même situation que toi et ça fait du bien de te lire! Un mois d’or avec un ainé ce n’est pas vraiment un mois d’or et d’avoir lu beaucoup de choses à ce sujet sans pouvoir le vivre c’est un peu dur…

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  3. C’est très bien dit et très juste. Je suis enceinte de mon deuxième et moi aussi je me pose beaucoup de questions sur le post partum à venir… et oui il fait que l’on partage aussi nos difficultés pour réussir à déculpabiliser et prendre du recul. Merci

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