Celles et ceux qui nous lisent le savent; nous nous étions énormément préparés pour l’arrivée de notre deuxième enfant. Pas parce que nous avions eu une expérience traumatisante lors de notre premier accouchement, loin de là même. L’accouchement médicalisé de notre aîné était exactement ce que nous avions projeté à ce moment-là, tel que nous étions en mesure de nous le projeter à ce moment-là. Nous avions fait une préparation à la naissance classique auprès de notre sage-femme, lu quelques best-sellers et pour le reste, nous nous en sommes remis à l’équipe médicale de l’hôpital où nous avions choisi d’accoucher qui nous a guidé pas à pas jusqu’à la rencontre avec notre première merveille.
Près de quatre années se sont écoulées avant l’arrivée de notre deuxième enfant, durant lesquelles nous avons cheminé, interrogé, lu et nos envies pour ce deuxième enfantement ont évolué vers un accouchement moins assisté, lors duquel nous serions davantage acteurs et moteurs de notre projet de naissance et l’équipe médicale plus dans l’accompagnement. C’est ainsi qu’a débuté notre préparation pour un projet de naissance physiologique, naturelle en milieu hospitalier (vous pouvez retrouver les étapes de notre préparation ICI). Une grossesse sans encombres ainsi qu’une bonne préparation nous ont mené à un accouchement idyllique, tel que nous l’avions imaginé : de la séparation de l’aîné à la première tétée de notre deuxième fille, en passant par l’enfantement lui-même, tout était absolument parfait, en puissance et respect. Vous pouvez retrouver le récit à deux plumes de cette naissance ICI.
Lorsque je suis tombée enceinte de notre troisième enfant s’est posée la question du type d’accouchement que j’envisageais. Et force est d’admettre que je n’étais de prime abord pas certaine de vouloir remettre le couvert avec la physiologie et le naturel, sans toutefois vouloir revivre un accouchement interventionniste non plus. Mais plus les mois passaient, et plus il me semblait finalement inenvisageable de ne pas remettre le couvert. J’ai donc décidé de réécouter des bouts de la préparation à la naissance Quantik Mama pour me remettre dans le bain…mais un trop plein d’émotions m’envahissait. Je ne faisais que visualiser mon précédent accouchement et plus j’écoutais plus je rapportais tout à la seule expérience qui m’étais connue et qui était la mienne. J’ai donc commencé à angoisser de faire de mon précédent accouchement ma norme alors que je savais pertinemment qu’il était impossible que mes accouchements soient identiques et qu’il y avait même de fortes chances qu’ils soient très différents. J’avais peur qu’en me basant sur le précédent, je finisse par être déçue de celui qui arrivait. Cette angoisse m’a conduit à arrêter pendant un long moment la préparation en demandant à mon mari de revoir les points importants et d’être mon porte-parole le jour J…!
Les mois ont passé et je m’étais mise bille en tête que j’allais accoucher en avance pour ce troisième enfant, en raison de mon rythme de travail, mon dynamisme et la course quotidienne avec déjà deux enfants à gérer. S’ajoutait à tout cela le stress de l’arrivée du bébé par rapport à mes aînées et de la séparation avec elles pour notre départ à la maternité et de fil en aguille s’est ancrée en moi cette croyance que j’accoucherai pendant les vacances de la Toussaint, soit près de 3 semaines en avance de mon terme annoncé..! Il devait en être ainsi.
Sans suspense aucun, ce n’est pas arrivé et chaque jour qui passait était marqué par le « et si c’était pour cette nuit » et les explications aux aînées et surtout à la deuxième de quid si c’était effectivement cette nuit et du déroulement qui les attendait. J’ai angoissé toute la maisonnée pendant plus de 3 semaines avec ce qui s’était vite transformé en obsession d’accoucher. Moi qui étais toujours dans le contrôle, je me perdais avec cet événement sur lequel je n’avais aucune prise. Si bien que les derniers jours avant mon terme, je me suis enfermée à la maison, n’allant plus chercher les enfants à l’école, je ne pouvais plus supporter de croiser les gens et leur sempiternel « bah alors tu es encore enceinte ! « . Même chose pour les messages et les appels téléphoniques, mon mari était devenu le point d’entrée de tout. De mon côté, chaque soir, je me couchais pleine d’espoir et chaque matin, je me réveillais avec la déception d’être toujours enceinte. Je sombrais doucement dans une déprime me surprenant même à en vouloir à cette enfant de ne pas vouloir sortir. Je n’avais pas le recul à ce moment-là pour réaliser que ce temps « supplémentaire » m’avait permis de me remettre dans la préparation de l’accouchement que j’avais précédemment abandonnée, ni qu’il m’avait permis de faire plein de choses avec mes aînées et mon conjoint avant de retomber dans les abysses de la petite enfance et ce qu’elle implique. Je ne voyais que le calendrier et l’obsession de ce ventre que je voulais enfin vide et ma fille au creux de mes bras. Mais je n’étais pas au bout de mes peines car le jour du terme est arrivé et avec lui le rendez-vous à la maternité et la déception d’apprendre que mon col n’avait quasi pas bougé. En même temps, je n’avais eu que très peu de contractions et aucune vraiment efficace. Je le savais au fond, je connaissais très bien mon corps.
J’embarquais donc pour la première fois dans le tunnel du post-terme qui avait potentiellement comme issue le déclenchement. Mes jours pour accoucher naturellement étaient comptés et un scénario que je n’avais JAMAIS envisagé était en train de se produire. Je peux à ce stade d’ores et déjà remercier les équipes de l’hôpital de Nanterre pour leur bienveillance sans égal. Ils ont rendu mon séjour dans le tunnel du post-terme plus doux tant par leur gentillesse (toutes et tous sans exception) que par leurs explications, dédramatisation et accompagnement à chaque étape. Merci à Karine (Quantik Mama) également car sur son blog, on trouve un épisode de podcast dédié à la grossesse qui dure et dans lequel elle met des mots sur les émotions qui peuvent nous traverser pendant ces jours post-terme (épisodes 37 et 72).
Pourquoi n’arrivait elle pas ? Elle qui était tant attendue ? Est-ce moi qui bloquait son arrivée ? Je ne souhaitais plus être enceinte, je voulais tant la rencontrer. J’étais prête. J’avais tant besoin qu’elle arrive. Et elle n’arrivait pas. Chaque matin, la déception, la frustration, les pleurs, la colère mais aussi la culpabilité de ne pas être positive alors que j’abritais la vie et que tout allait très bien pour mon bébé. Merci à mon amie et doula Katy (son site ICI) de m’avoir aidée à mettre des mots sur ce que je ressentais, me rappeler que ce que je vivais était loin d’être inhabituel et rare et à verbaliser que ma fille était finalement en train d’écrire sa propre histoire et non celle qui j’avais prévue pour elle. Cette discussion a été libératrice et m’a permis de démarrer un lâcher-prise. Le plus grand Merci va à mon conjoint qui a porté et supporté toutes les émotions décrites précédemment sans faillir et qui a mené la barque à bon port jusqu’au bout de la tempête qui m’abritait. Il a été, il est et je sais qu’il sera toujours le co-équipier le plus précieux dans ce voyage qu’est la parentalité.
Ce sont ainsi succédés le rendez-vous du terme, le rendez-vous à J+2, puis à J+4 durant lequel j’ai accepté un décollement de membranes et puis J+5 en fin de journée enfin des contractions fortes. Les filles sont sur le point de rentrer d’une sortie avec leur père, je crains que les contractions ne s’arrêtent dès leur retour et une amie me conseille de sortir illico et de me maintenir dans ma bulle. Je sors marcher avec ma musique dans les oreilles et les contractions se rapprochent et s’intensifient. J’essaie de contenir l’adrénaline qui grimpe en moi d’ENFIN ressentir ces contractions que j’attends depuis tant de temps pour ne pas tuer la nuée d’ocytocine qui m’habite à ce moment-là. Quand je rentre à la maison, les contractions sont fortes et espacées de 7 min, j’appelle la maternité. Compte tenu de la situation (grossesse post-terme, 3e enfant), on m’invite à venir sans trop tarder. Finalement après tous les scénarios que je m’étais imaginé avec mes grandes, c’est la séparation idéale. On les prévient que papa les couche là et que mamie va arriver bientôt et prendre le relais cette nuit et que comme discuté 150000 fois c’est elle qui les emmènerait à l’école le lendemain matin puis elles resteraient chez elle ensuite jusqu’à notre sortie de la maternité. On se dit au revoir, ma deuxième pleure mais elle sait que ce que maman lui explique depuis 1 mois est en train de se produire, elle est prête au fond. On est tous prêts.
On arrive à la maternité et mes contractions se maintiennent, je suis euphorique en dedans mais j’essaie de ne pas le montrer. Enfin. Enfin. Enfin. On nous met en salle de naissance, monito, les contractions sont là. Enfin, pour la première fois depuis 9 mois ! Et pour la première fois depuis les nombreux monitoring que j’ai eu à faire dans le cadre de cette grossesse le petit papier affiche des pics…! La sage-femme vérifie mon col et la déception ne se fait pas attendre. Il n’a pas bougé d’un poil. Je suis à 1, voire 2 doigts. J’essaie de rester positive car les contractions sont toujours là. On nous met en chambre puisque le lendemain matin (J+6) on passait de toute façon au déclenchement et on nous gardait. Une fois en chambre, il est près de minuit, je m’assoupis. Je me réveille 3 heures plus tard…plus aucune contractions…Je suis envahie d’une colère indescriptible, je pleure, je peste, je suis désemparée.
Pourquoi ? Pourquoi elle ne veut pas me rejoindre ? Je commence à ressentir une peur panique et irrationnelle d’un accouchement qui tourne mal. Pourtant, il n’y a aucune raison apparente. Le bébé va bien, je vais bien. Elle prend juste son temps. Elle n’est pas prête.
Il est 9h, c’est l’heure de mon rendez-vous J+6, je suis résignée et prête pour démarrer un déclenchement. Après l’énième déception de la veille, j’ai accepté mon sort et accepte un déclenchement par prise de misoprostol qui est un type de prostaglandine qui peut être pris à faible dose par voie orale pour déclencher le travail. L’avantage étant qu’une fois le travail démarré, on peut en stopper la prise et laisser le reste se faire naturellement. L’équipe qui m’accompagne ce jour-là est super positive sur le fait qu’on va réussir à coller à mon projet de naissance. Je décide de les croire. Je dois prendre un cachet toutes les 2 heures jusqu’à démarrage du travail. Dès la prise du premier cachet, ça démarre doucement mais intensément. Après la prise du second cachet, 2 heures plus tard, ça s’emballe et nous décidons d’aller marcher avec mon conjoint pour que le travail sur le col soit efficace. Le temps d’un tour de la maternité, je ne peux quasi plus marcher tant les contractions se rapprochent. Je ne peux même pas décrire la satisfaction presque masochiste que je ressens lors de ces contractions que j’attends depuis si longtemps. Nous retournons en chambre et se pose alors la question du troisième cachet, mais bien que les contractions soient très rapprochées, elles sont anarchiques et ma sage-femme hésite, je sens qu’elle a peur que le travail s’arrête à nouveau et nous décidons de le prendre. Et là, c’est la cascade. En l’espace de 20 minutes, je perds le bouchon muqueux et je perce la poche des eaux. Je suis toujours en chambre et on décide d’aller en salle de naissance car je connais mon corps et les sensations de l’accouchement me reviennent, je sais qu’elle arrive. Je n’ai plus de pause, les contractions s’enchaînent. Mes jambes s’arquent vers l’intérieur, elle arrive. Je reconnais toutes les sensations, je sais où j’en suis, je sais qu’elle est là. Ma sage-femme insiste pour faire un monitoring rapide afin de vérifier que tout va bien pour bébé et en profiter pour vérifier mon col. Pour ce faire, elle me couche sur le côté. Je panique dans cette position, je suis en train d’accoucher et cette position m’angoisse. Je n’ai pas de prise, je me sens comme une biche vulnérable. Je répète qu’elle arrive, qu’elle est là. Elle constate que je suis à plus de 8, nos regards se croisent et ma sage-femme comprend enfin que je n’exagère pas et que ça va être rapide et que comme je le dis : ELLE EST DEJA LA. Elle me propose de me mettre à quatre pattes, l’équipe m’aide rapidement à me positionner. Mon mari, mon roc se met devant mon épaule pour faire contre-poids lors des poussées et en quelques minutes (6 peut être 7 minutes), ELLE EST LA entre mes jambes. Je n’ai qu’une pensée en tête pendant ces quelques minutes : IL FAUT QU’ELLE SORTE. Elle ne restera pas en moi une minute de plus. Je pousse si fort, je la sens traverser mon périnée, le cercle de feu, je la sens sortir et me rejoindre. ENFIN. Je la trouve immense et belle. Si immense et si belle. Je l’observe et je reprends doucement mes esprits.
J’avais tant besoin de cet accouchement express après toute cette attente. Il est véritablement venu panser l’attente. Son arrivée a été parfaite. Cet enfantement était exactement comme il devait être. Ce qui m’a le plus frappée c’est la conscience des étapes qui m’a habitée tout au long de l’accouchement. J’ai réalisé que lors de mon deuxième accouchement, qui était mon premier accouchement naturel, j’ai finalement subi les étapes qui étaient théoriques pour moi à ce moment-là. Cette fois-ci, j’ai pu quitter le monde du réel et en même temps profiter de la connaissance acquise des sensations. Je savais exactement où j’en étais et ce que je devais faire. J’ai réussi à me faire molle lors de la sortie finale et hasard ou non, j’aime à croire que non, je n’ai eu aucune déchirure cette fois-ci. Je suis heureuse et reconnaissante à l’équipe de Nanterre d’avoir pu bénéficier d’un accompagnement conforme à mon projet de naissance même dans le cadre d’un accouchement à J+6 post terme et déclenché. Je pense que l’issue aurait été bien différente dans de nombreuses maternités d’où l’importance de bien la choisir.
Lorsqu’on parle de naissances qui ne se sont pas passées comme imaginé, on pense tout de suite à l’accouchement sans péridurale ou la césarienne d’urgence. Et il y a tant d’histoires d’accouchements qui tournent mal. Celle-ci n’en fait heureusement pas partie mais elle est pourtant l’exemple d’un scénario qui n’avait pas été envisagé et qui a entraîné des montagnes russes émotionnelles pour moi mais aussi toute ma famille. Je suis consciente qu’on ne peut pas être préparé à toutes les éventualités mais si mon récit peut servir à quelques futures mamans qui se retrouveraient dans la même situation et les aide à mieux la vivre et à légitimer leurs émotions, cet article aura servi.

Je crois que je ne me lasserai jamais des récits de naissance, ce partage de tant d’intimité, qui montre ce qu’il y a plus profond pour chaque femme, tant dans ses capacités physiques que mentales, ses émotions.
Bref, évidement je vais devoir aller sécher quelques larmes mais merci pour ce partage.
C’est beau, c’est puissant, c’est fort, c’est doux… En tout cas je suis toujours scotchée de voir à quel point l’accouchement peut être « celui qu’il fallait » quand on le regarde après coup avec du recul 🙂
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