Sujet soufflé par une lectrice et que je ne savais pas comment aborder. C’est finalement un sujet assez personnel du coup c’est un article assez personnel aussi. Mais s’il peut parler à certain.e.s alors je me lance !
Lorsque l’on parle de choix dans la maternité, celui qui fait le plus souvent écho à la culpabilité est celui du non allaitement ou de l’échec de l’allaitement. Et pourtant, il y a un autre choix où cette culpabilité est tout aussi présente, c’est celui de la reprise du travail.
Car c’est bien un choix qui nous concerne (presque) toutes. S’il y a celles qui savent d’emblée qu’elles ne travailleront pas une fois bébé arrivé, parce qu’elles ne travaillaient pas avant la grossesse ou parce qu’elles savaient d’ores et déjà que leur choix de congé parental était faisable, ou tout simplement celles qui n’ont eu aucun problème à reprendre, il y a également toutes les autres.
Toutes celles qui avaient prévu de reprendre après le congé maternité et qui pensaient ne pas avoir besoin de congé parental mais qui, transcendées par la naissance de leur petit être, se sont retrouvées face à un choix fait avant la naissance et qui ne leur correspondait plus.
Celles qui, pensant que poser un congé parental était à risque pour leur poste, n’ont pas osé faire ce choix, et qui de retour au travail ont réalisé que rien n’avait changé en 3 mois et que rien n’aurait changé en quelques mois supplémentaires et qui regrettent amèrement de ne pas avoir sauté le pas.
Celles qui n’avaient pas le choix d’une reprise différée pour des raisons indépendantes de leurs volonté (personnelles, économiques) et qui ont vécu cette reprise comme un vrai déchirement le moment venu.
Bref, toutes celles qui ont vécu la reprise comme une action totalement contraire à leur instinct. Celles qui ont été bouleversées par ce qu’on appelle désormais la matrescence (pour plus d’informations sur la matrescence, super podcast ici).
J’ai fait partie de ces femmes. Celles qui pensaient qu’on allait lui reprocher professionnellement de prendre un congé plus long, qu’on allait la remplacer. Et puis après tout je prenais tous mes congés et je vidais mon compte épargne temps et donc prenais 5 mois à compter de la naissance de ma fille. Ça me semblait énorme !
Puis elle est née.
Quasiment 2 mois de galères avec l’allaitement. 2 mois extrêmement difficiles où les joies et les peines se succédaient en quelques secondes, où le bonheur d’être mère était flouté par ce sentiment d’échec. Et à l’issue de ces 2 mois, les difficultés enfin derrière nous, nous profitions enfin d’une maternité sans remous. Mais la tranquillité fût de courte durée puisque dès la fin du 5e mois, il fallait déjà se séparer…
Un déchirement.
Je n’imagine même s’il avait fallu que je laisse mon bébé à 2,5 mois…
Tous les jours pendant plus de 6 mois, je faisais et refaisais les calculs pour savoir si je pouvais prendre un congé parental. Et tous les jours, à cause du crédit, etc, je rangeais ma calculatrice avec un nœud dans le ventre. Pourtant, je n’aurais jamais envisagé un congé parental super long mais au moins quelques mois supplémentaires auprès de mon si petit bébé…
C’était donc ça la culpabilité ?
Je n’avais jamais ressenti ça. Ce sentiment qui te fait envier la vie des autres. Je regardais toutes ces mamans sur Instagram et je bavais devant leurs quotidiens de mères au foyer, présentes chaque instant auprès de leurs enfants. Moi je quittais ma fille à 9h le matin et je la retrouvais à 18h30/19h le soir. Je m’enfermais dans une salle 2 fois par jour pour tirer mon lait au lieu d’être avec elle et de la nourrir. Et elle, elle passait 10h par jour avec une parfaite inconnue censée l’élever en mon absence.
Combien de fois je me suis demandée ce que je foutais là.
Pourtant, j’ai toujours rêvé d’être ce que je suis aujourd’hui : une working girl, une femme active, j’ai un super job dans lequel je suis épanouie, je gagne bien ma vie, nous avons un niveau de vie super confortable. On ne se prive de rien. Et nous pouvons tout lui offrir.
Et puis elle est née.
Et tout cela est devenu tellement secondaire. Passer du temps avec elle, auprès d’elle est devenu mon seul moteur. C’est devenu une obsession. C’était ma place. Je pouvais tout lui offrir…sauf notre temps…
J’aurais troqué mille fois ma vie contre des journées avec elle…dans ma tête et dans mon esprit.
Oui, dans ma tête, parce que la réalité, c’est que je n’ai pas eu le courage de sauter le pas.
Ce n’est pas vrai de dire que ce n’était pas faisable. Oui, nous avions un crédit mais nous aurions pu vendre notre appartement et acheter moins cher, plus loin, nous aurions pu louer. Nous aurions pu changer mille choses à notre confort quotidien pour rendre le congé parental possible. Mais nous ne l’avons pas fait.
C’est ça le foyer de la culpabilité : savoir que quelque chose est la meilleure chose qui soit, savoir que c’est faisable et qu’il ne tient qu’à toi de le rendre réalité. Ne pas le faire, ne pas s’en donner les moyens et culpabiliser.
Lorsqu’on culpabilise, on s’invente des raisons pour justifier nos choix. On en veut intérieurement aux autres d’avoir eu le cran de faire ces choix que nous n’avons pas fait.
Comment se sortir de ça ?
Accepter.
Un jour, j’ai fini par arrêter de dire que je ne pouvais pas prendre de congé parental puisque ce n’était pas vrai et j’ai accepté le fait que je n’ai pas eu le courage de faire ce choix. Je me suis pardonnée et je me suis promis de le faire la prochaine fois, quelques mois supplémentaires. J’ai aussi arrêté d’envier les autres qui ont fait ce choix, je les en félicite.
Je sais que ma fille n’est pas malheureuse de cette situation. C’est normal, elle ne connaît rien d’autre. Mais je sais aussi qu’elle aurait été plus heureuse si j’avais sauté le pas. L’acceptation a aussi été plus facile depuis qu’elle est plus grande. Je vois bien qu’elle apprécie ses journées avec son copain de garde. Mais je sais aussi qu’elle aurait préféré passer ses journées avec moi.
Aurions-nous, parents, été plus malheureux de sortir de notre zone de confort ?
Je ne peux pas répondre à cette question. C’est facile de dire que non sans l’avoir réellement vécu.
Mais une chose est sure, nous n’avons rien « raté » des étapes importantes de sa vie. Oui, elle fait plein de choses avec sa nounou mais elle fait d’autres choses avec nous. Nous n’avons pas raté son premier quatre pattes, ni ses premiers pas. Nous n’avons pas le sentiment de passer à côté de ces étapes importantes.
En revanche, nous avons l’impression de passer à côté de son quotidien. Et c’est ça qui me peine le plus. Mais je ne suis pas prête aujourd’hui à faire d’autres choix. Je suis évidemment triste de ne pas passer mes journées avec elle, je suis consciente de l’absurde qui me conduit à travailler comme une dingue pour payer une personne qui passera ses journées avec elle mais aujourd’hui, je ne suis pas prête à faire de changements de ce côté-là.
Mais je ne culpabilise plus car je sais que j’ai besoin de mon travail pour mon équilibre personnel aussi et s’il est vrai que je regrette beaucoup de ne pas avoir pris de congé parental les mois qui ont suivi ma reprise, ce n’est plus un regret que j’ai aujourd’hui.
C’est pourquoi je pense que pour le congé parental, l’expression « mieux vaut des remords que des regrets » s’applique plus que jamais.
Alors, mon conseil si vous n’êtes pas dans la catégorie de parents qui n’ont réellement pas le choix et que vous vous demandez si vous devriez prendre un petit ou long congé parental : sautez le pas, je pense que vous ne le regretterez pas !
Je me retrouve tellement dans ce post, avec un retour au travail il y a près de 2 mois. C’est tellement difficile et en même temps tout aussi dur d’envisager bouleverser notre vie et niveau de vie pour un congé parental.
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Bonjour.
Je vous comprend, ou peu vous comprendre, dans la mesure où c’est le cas de notre dernière fille..
Notre dernière fille (26 ans..) a accouchée, le 15 août 2019, très exactement, et, d’une magnifique petite fille, blonde aux yeux bleus, et belle à croquer.
Elle l’allaite depuis six mois, ce qui donne le maximum de chances et possibilités sur le plan immunitaire, pour le bébé, et l’enfant plus tard. Elle a déjà attaqué les petits pots (faits maisons, et avec de vrais bons légumes aussi..), et se porte à merveille.
Le fait de devoir se séparer, quelque peu, et « faussement » de son enfant, lors de la reprise du travail, n’est pas facile, ni une mince affaire, d’où le fait de..culpabiliser quelque peu..
Notre fille travaille en milieu hospitalier, et donc, avec ce « Coronavirus » et « COVID 19 », cela ne facilite rien, non plus..
Il va de soi, comme vous le mentionnez en entête..qu’il s’agit d’un sujet assez personnel du coup c’est un article assez personnel aussi…
Malgré tout, bon courage, et surtout « positivez », si je puis dire, même si c’est dur..
Bonne fin de journée à vous, respectueusement..Denis.
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