Pour bien comprendre notre vision de l’allaitement et nos positions quant à ce thème « touchy », il faut connaître notre magnifique histoire d’allaitement (le terme « magnifique » est une vaste plaisanterie, jugez-en par vous même en lisant la suite!).
Depuis que j’ai pensé enfant, j’étais certaine de vouloir allaiter. Ma mère m’a allaité jusqu’à mes 10 mois et ma sœur jusqu’à ses 11 mois, sûrement que cela a fait partie de mes motivations, au moins inconsciemment. En tout cas, j’étais décidée. Puis lorsque je me suis mariée, pour mon mari c’était une évidence aussi, il n’envisageait pas la chose autrement. Pendant la grossesse, nous avons pris les informations que nous pouvions, notamment lecture de la « bible » de l’allaitement du Dr Thirion, conseils de sage-femmes pro allaitement, etc. On était prêts !
Le 22 mars 2017, à 20h30 après 13 heures de travail et 45 minutes de délivrance, Bébé Nova nous a rejoint. Elle a tout de suite cherché le sein et tété (seule chose dont je me souvienne de ces instants entre la péri, l’adrénaline et la fatigue). Vers minuit, on nous remonte à la chambre et Papa doit quitter la chambre car les heures de visite des papas sont terminées depuis belle lurette. Je récapitule donc : on laisse une maman épuisée, seule dans la chambre avec un bébé de quelques heures. Je ne me souviens de rien de cette nuit là. Mon seul souvenir : le réveil le matin avec Bébé Nova dans le berceau, ne me souvenant pas comment elle avait atterri là (je me souviens encore avoir pleuré des heures de ces instants où je ne me souvenais de rien..) et les seins meurtris..une nuit de tétées dont je ne me souviens pas de fatigue et un bébé qui a dû téter n’importe comment (surtout comme elle a pu, la pauvre). Je me réveille donc avec des crevasses d’un autre monde et démarre mon enfer à la maternité : 3 jours complets dans une chambre à 27 degrés dont la fenêtre ne pouvait s’ouvrir car cassée, des crevasses aux deux tétons.
La nature est bien faite, on oublie. Je ne me souviens peut être plus des douleurs mais je me souviens qu’elles étaient insoutenables. Je pleurais à l’idée de mettre bébé au sein. Les conseils des infirmières et sage-femmes : « oh les crevasses c’est normal, mettez de la lanoline, ça va passer », « Mais j’ai vraiment mal.. », « c’est normal ». Ok c’est normal..Moi maman au bout du rouleau, pleurant 45 fois par jour » est ce qu’elle mange assez ? », réponse « peut-être que non, on vous laisse 2-3 biberons jetables sur la table ». Merci..
Bien sûr, nous avons craqué, on lui a donné un des biberons dans nos heures de désespoirs et d’incompréhension qui ont suivies pour me permettre de reposer mes tétons, car un nouveau né qu’on souhaite allaiter à la demande, et bien ça tète toutes les heures environ..! Bref c’était l’enfer. Puis ma mère a sauvé mon allaitement (1er sauvetage) en me ramenant des bouts de sein en silicone. J’avais tellement mal que je n’arrivais plus à mettre Bébé Nova au sein sans pleurer tout au long de la tétée, c’était très dur. Ces embouts m’ont permis de continuer d’allaiter. Maintenant avec du recul je sais que c’est aussi ce qui a rendu la suite de mon allaitement difficile mais sur le moment, ça l’a sauvé. A la maternité personne ne m’a proposé un tire lait pour me soulager.
Pour continuer cette expérience traumatisante, je n’ai pas eu ma montée de lait à la maternité mais en rentrant. On ne m’avait pas prévenu que ça pouvait être aussi impressionnant. J’ai cru que j’allais finir aux urgences, mes seins étaient aussi durs que des pierres (je n’exagère pas). Puis, on a survécu, et comme j’ai continué à utiliser mes embouts en silicone pour soulager ma douleur, Bébé Nova ne tétait pas assez efficacement, et avec la montée de lait j’ai eu un bel engorgement qui s’est transformée en ma première mastite. Ma mère a de nouveau sauvé mon allaitement (2e sauvetage) en me conseillant d’appliquer des langes brûlants sur la poitrine pour fluidifier le lait et d’ensuite faire téter Bébé Nova et exprimer ce qui n’a pas été tété. A la douleur des mamelons, s’est ajoutée une semaine et demi de douleurs liées à la mastite.
Au bout d’un mois, j’étais au bout de ma vie..j’avais toujours de grosses crevasses et des douleurs persistantes au moment des tétées. Le 3e sauvetage c’est mon mari et Bébé Nova qui l’ont fait. J’ai voulu tout laisser tomber et un vendredi j’ai pris bébé en écharpe et je suis partie acheter du lait en poudre. C’était décidé je laissais tomber..j’ai pleuré en achetant le lait, j’ai pleuré en rentrant, en préparant le lait et en donnant le biberon à Bébé Nova…et le comble c’est qu’elle a refusé de le prendre..!! Puis mon mari est rentré et il m’a dit ok, on va lui donner du lait en poudre mais tu ne vas pas arrêter. C’est lui qui lui a donné des biberons de lait en poudre pendant la journée tout le weekend et moi je reposais mes tétons en tirant mon lait au tire lait manuel (la galère) que j’avais acheté le samedi matin (Avent). Et le dimanche, j’ai pris la décision de faire appel à une conseillère en lactation qui est venue dès le mardi. Elle a vérifié ce que personne n’avait fait jusque là, que Bébé Nova n’avait pas de frein de lèvre ou de langue et ce n’était pas le cas et la position de tétée qui a sans nul doute été améliorée par son intervention. Mais le plus gros soucis chez nous c’était le fait qu’on avait tété avec les embouts pendant 1 mois et que Bébé Nova avait pris l’habitude de téter comme au biberon…Je ne le savais pas à l’époque mais j’étais en train d’expérimenter la fameuse confusion « sein-tétine ».
J’ai alors puisé dans ce qu’il me restait de détermination et j’ai pris mon courage à deux mains et décidé de retirer les bouts de seins malgré les douleurs. La réalité c’est que nous avons réussi aussi parce que Bébé Nova a grandi également et a adouci sa façon de téter qui était très énergique depuis la naissance (fort besoin de succion et forte succion).
Au bout d’un mois et demi d’allaitement, ça allait enfin mieux ! Et je me suis reposée sur mes lauriers en omettant les pics de croissance…Et me voilà avec ma deuxième mastite..39°C de fièvre, des douleurs de chien, bref l’enfer le retour !
Mais on a survécu celle-ci aussi puis c’est allé mieux, 2 mois d’allaitement et on commençait à voir la lumière et de nouveau de vives douleurs apparaissent en début de tétée, je décide d’en parler à la sage-femme qui me fait ma rééduc du périnée et elle pense que c’est une mycose et me prescris un antifongique. Les douleurs finissent par disparaître au bout d’une semaine sans que l’on ai jamais vraiment su si c’était une mycose ou autre chose. Mais surtout à l’occasion de cette consultation elle me dit avoir entendu parler d’une pharmacie spécialisée non loin de chez nous où je pourrais louer un tire-lait électrique pour me soulager en cas de besoin (j’en reparlerais).
Ce n’est donc qu’au bout de 2 mois et demi d’allaitement que nous sommes sortis du tunnel. 2 mois et demi, c’est long mais c’est tellement court en même temps. 2 mois et demi c’est ce dont la majorité d’entre nous dispose en durée de congé maternité…
Aujourd’hui, je ne sais pas si je me serais autant battue pour cet allaitement si j’avais dû reprendre le travail à ses 3 mois (j’ai pris tous mes congés pour rester avec elle jusqu’à ses 5 mois) et quelque part, je comprends ces femmes qui, dans cette situation, se disent que ça ne vaut même pas la peine d’essayer pour si peu de temps. Et à toutes ces femmes je voudrais dire les choses suivantes : c’est votre choix et il vous appartient, ce texte n’est pas là pour vous culpabiliser, ni juger le choix de celles qui l’ont fait. Ce texte je l’écris pour celles (et ceux) qui hésitent encore et qui se posent la question, sachez que :
- Toutes les histoires d’allaitement ne sont pas compliquées, ni difficiles. Une majorité d’histoires d’allaitement se passent comme sur des roulettes
- Même pour quelques mois, l’allaitement est une belle aventure
- Même pour quelques jours, l’allaitement est bénéfique pour votre bébé et pour VOUS (ça on en parle pas assez et j’y reviendrais)
- Il y a un tel nombre de mythes et de fausses idées sur l’allaitement que si vous les connaissiez, peut-être que vous ne vous poseriez même pas ces questions
- Les papas n’ont aucun mal à trouver leur place avec l’allaitement
- Au-delà de plusieurs mois, l’allaitement devient quelque chose d’incroyable
- Il n’est pas nécessaire d’arrêter d’allaiter lorsque l’on reprend le travail, et par ailleurs, pour les plus réfractaires, l’allaitement « mixte » fonctionne parfaitement également
De notre côté, lorsque j’écris ces lignes, Bébé Nova a bientôt 15 mois et nous en sommes à bientôt 15 mois d’allaitement exclusif de tout autre lait ou complément (hormis une diversification en bonne et due forme) et c’est grâce à mon entourage, à la communauté de mamans allaitantes d’Instagram et surtout grâce à mon mari et Bébé Nova. L’allaitement c’est une affaire d’équipe. On allaite pas seule (sauf celle qui par choix ou par dépit y sont contraintes), on allaite à deux. Pour moi, le papa fait partie intégrante de cette aventure et il en est le moteur et la force.
J’ai repris le travail aux 5 mois de Bébé Nova et je tire mon lait depuis pour ses besoins de lait en journée avec sa nounou (garde-partagée). Je suis une working-mum, je travaille plus de 50 heures par semaine et je suis régulièrement en déplacements à l’étranger. C’est ma routine et je souhaite la partager avec vous pour que vous vous rendiez compte que n’allaitent pas seulement les mères au foyer ou celles qui sont à mi-temps. J’aime la mode, j’aime prendre l’apéro, j’habite en banlieue parisienne et j’ai une Bugaboo (tellement cliché), tout ça pour vous montrer que n’allaitent pas seulement les personnes qui habitent à la campagne entourées de poules et qui compostent leurs déchets (tellement cliché bis).
L’allaitement c’est l’affaire de tous.
3 commentaires sur “Allaitement, notre histoire…”